Dense
Du vide sous la peau (1/17)
En plein cœur de la nuit, deux hommes avancent dans une forêt obscure. L'un guide l'autre, car il est voyant. Le second est ce qu'on appelle un appelant. Tous deux poursuivent le même objectif : trouver l'endroit idéal où le voyant pourra visualiser ce qu'il cherche. Une clairière, même petite, fera l'affaire.
Lorsque le voyant trouve l'endroit qui lui convient -un espace dégagé, de taille moyenne- il le signale en silence à son collègue. Les deux compagnons s'asseyent alors l'un en face de l'autre, aux deux extrémités de la clairière. Puis l'appelant sort son instrument à transe : un petit tambourin.
Un état second est toujours le meilleur moyen d'appeler une vision. D'où la nécessité de se mettre en transe pour l'appelant, afin de se connecter avec l'objet de la vision que seul le voyant pourra observer distinctement. L'appelant lui, ne ressentira que confusément la connexion lorsqu'elle arrivera.
Il commence par taper doucement sur son tambourin, démarrant la lente ascension vers l'état mental recherché. Un rythme simple, répétitif, et faible pour le moment. Mais un rythme hypnotique...
Une fois l'esprit trempé dans la musique, l'appelant commence à jouer plus fort. Au fur et à mesure qu'il se sent pénétré par le rythme, il se met à jouer plus vite, jusqu'à baigner son esprit dans l'air joué avec ses doigts.
L'inondation sonore commence alors, plus forte, plus élaborée, plus intense. Les yeux de l'appelant se ferment, puis il se lève et se met à bouger les jambes sur le rythme du tambourin. Il danse bientôt. Et il accélère son rythme comme sa danse.
Un début de connexion se fait sentir. Le voyant aperçoit une vague silhouette. L'appelant continue de plus en plus vite. Son esprit commence à s'échapper de son corps. Il lui semble qu'il délire, mais il appelle, il appelle. La silhouette semble ne pas comprendre qu'on l'appelle. C'est sans doute son premier appel. Le voyant se concentre, puis se lève. Son collègue va bientôt lâcher, épuisé par une cadence de plus en plus soutenue. Le voyant s'approche de lui, et le récupère lorsqu'il tombe en arrière, complètement vidé. La silhouette s'échappe. Le voyant a à peine le temps de déposer délicatement son partenaire au sol, qu'il doit courir à travers les bois pour visualiser le visage de la silhouette, partie en détalant de ce lieu qu'elle ne connaît pas. Mais la forêt est immense. La silhouette qui paraît de plus en plus masculine au voyant se réfugie derrière un arbre. Celui-ci s'avance vers l'arbre, le contourne, et découvre son visage. Il s'agit bien d'un homme. Le voyant sait désormais qui il cherche. Il peut revenir vers l'appelant qui va émerger de son état second d'ici peu.
Voyant et appelant. Ce sont les termes qu'on utilise dans la société secrète à laquelle ils appartiennent : les dompteurs.