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Le piège mental 

Ce piège, c’est d'abord celui que l’on tisse soi-même, malgré soi et même contre son propre désir de vivre heureux. C’est celui qui finit par nous faire croire qu’on est content de son malheur, alors que si on nous tend un miroir un peu moins déformant, un peu plus réaliste, on se rend compte que l’on est loin d’être sur une voie satisfaisante. Au fond c’est terrible à écrire, mais on s’habitue à tout, et pour arriver à s’habituer aux pires situations, il faut pouvoir se dire qu’on n’est pas si mal là, qu’on peut même y trouver de la satisfaction ! C’est par conséquent quand on commence à sortir de son marasme, à force de persévérance et de patience, mais également grâce à l’idée que l’on peut accepter les mains tendues, que l’on se rend compte à quel point on était perdu !

Mais alors, comment peut-on se tromper à ce point ? En général, en perdant ses repères sociaux : car lorsque les relations avec nos proches deviennent problématiques, c’est bientôt celles avec tous les autres qui le deviennent à leur tour… Puis par réaction, c’est la perception de nous-même qui se modifie à son tour. La clarté s’efface pour laisser place à des jugements bien plus erronés sur nous-mêmes et le monde… Insidieusement, un piège commence à se mettre en place.

Et malheureusement les choses ne s'arrêtent pas toujours là. Car je le répète : si nos relations humaines sont vitales pour notre équilibre et notre bien-être, elles peuvent parfois se renverser vers des relations bien plus inhumaines, fuitant ainsi vers la formation d’une source bouillonnante d’instabilité ! Alors, pour peu que l’on soit en situation financière précaire, la bascule vers le monde des ennuis en tout genre risque de se faire encore plus vite… Notre bulle de confiance intérieure se fragilise. Elle devient une fissure encore plus béante : la menace d’éclatement se fait de plus en plus proche.

Et puis la mort qui rôde, toujours et partout, telle le destin funeste de toute forme de vie, mort sans laquelle il n’y aurait pas besoin d’enfanter, puisque tout le monde serait immortel (mais que serait donc un monde sans enfant, et par conséquent sans sexe et surtout sans amour ? *) ; mais passons, car la mort, nous la trouvons toujours révoltante, intolérable, terriblement douloureuse ! Elle nous semble un peu plus acceptable lorsque la vie de l’être perdu à été menée longuement et si possible de façon joyeuse ou apaisée ; mais quand la mort est brutale, alors le choc est violent pour notre esprit, un véritable bouleversement qui nous emmène vers la révolte et le désespoir.

Voilà c’est fait, votre être le plus cher est mort subitement.

Et alors de plus belle les relations sociales qui s’effilochent, se détériorent, se font conflictuelles.

Et puis avec un mauvais état d’esprit, l’on fait plus facilement de mauvaises rencontres. Et pour certaines d’entre elles : elles nous marqueront comme au fer rouge, on ne s’en remettra jamais complètement ! Il y a celles des paumés qui ne font pas vraiment exprès de nous porter atteinte, et celles des purs sadiques qui cherchent à nous détruire, nous faire le plus de mal possible, mais surtout, surtout, il y a celles qui poussent la cruauté encore un degré au-dessus : en s'enfermant après notre supplice dans le mutisme, pour ne donner aucune explication à la souffrance qu'on a subi. C’est alors que l’esprit cherche à comprendre, et par dessus tout à trouver du sens à ce qui nous est arrivé.

Le piège mental peut enfin se refermer. Car sans possibilité de confirmer ou d’infirmer ses hypothèses, l’esprit va tourner en boucle jusqu’à se déconnecter de la réalité. Il va sombrer dans le délire. Il va couler dans les abysses de l’incertitude. Simplement à cause de ce besoin impossible à satisfaire que celui d'expliquer ce qui semble inexplicable.

Et de postulats illusoires en théories invérifiables, notre psychisme va se délabrer plus fortement encore, et l’existence s’assombrir encore plus, car oui c’est toujours possible quand on ne sait plus où l’on va…

 

Sauf que… il est aussi possible de remonter la pente ! De notre trou où l’on est tombé si bas, l’on peut parfois remonté seul, parfois avec l’aide d’autrui. Mais dans les deux cas, une fois mis à l’abri du risque d’ensevelissement, il faut apprendre à refaire confiance aux gens.

Alors quand on a perdu tout espoir, il faut abandonner ses fréquentations nocives pour de plus constructives ; mais il n’y a rien de plus lent que de chercher à ce que de nouvelles personnes nous fassent confiance, alors qu’on ne se fait même plus confiance soi-même ! Refaire sa vie, quelle galère !

Et ce d’autant plus que l’on se ronge l’esprit à la recherche des causes sur notre chute, preuve que même si la météo du moral s’éclaircit, on n’est pas encore complètement sorti du piège mental.

Mais vers qui, ou quoi, se tourner pour se faire accepter sans trop de casse ? C’est triste à dire mais je ne suis pas sûr qu’on puisse dire vers les amis tout de suite : ils ne sont pas forcément aptes à aider correctement, ni à nous écouter sans espérer un retour rapide en échange. Au fond, ils préfèrent attendre de nous voir aller mieux pour nous réinviter à sortir… Alors voici quelques autres possibilités : vers sa famille, dont les liens restent généralement présents malgré les tempêtes ; vers des professionnels dont c’est le métier de nous venir en aide, ou encore vers un travail, où les collègues nous accepteront si ils voient que l’on effectue sa tâche comme il faut…

Et pourquoi ne pas en profiter pour changer un peu sa façon de voir le monde : apprendre à se satisfaire de chaque petite réalisation. Ne plus viser trop loin. Mais se concentrer sur le quotidien. Ne plus regarder les autres et leurs soi-disant réussites, aussi faciles en apparence qu’elles sont en réalité embellies pour cacher leurs laborieuses concrétisations ; mais regarder ses propres progrès, et avec leur propre rythme, qui est généralement le bon tempo si il nous permet d’avancer.

Et alors de fil en aiguille, l’on pourra se tisser un nouveau réseau d’amis. Ressortir, faire la fête ou bien pratiquer des activités qui nous font enfin plaisir. Et l’on pourra se vider la tête de ce pénible passé, regarder un peu plus sereinement vers l’avenir, mais surtout vers le présent. L’on profitera même d’autant plus de la vie que l’on sait qu’il est précieux de se tenir loin de la colère, de la sinistrose et des objectifs inaccessibles.

Passer à autre chose. Voire mieux : penser à autre chose. Il n’y a pas de meilleur moyen pour sortir du piège mental.

* (Voir mon texte : « Rêve d’immortalité », pour plus de précisions sur ce thème).

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