Dense
Petite histoire des sociétés (1/6)
Qu'ai-je retenu de mes études de sociologie et d'ethnologie ?
D'abord qu'un étudiant digne de ce nom se doit de vénérer les grands auteurs de ces disciplines à l'égal des dieux ! Car pour être franc, au début de mes études, j'avais l'impression qu'on nous enseignait les grands auteurs de la sociologie plus que la sociologie elle-même. Peu importait le fonctionnement de la société actuelle, du moment qu'on savait qui en étaient les grands penseurs historiques !
Même chose en ethnologie, où peu importait de présenter les différents peuples du monde et leurs grandes aires culturelles, du moment qu'on connaissait les noms de grands ethnologues.
Avec le recul, je me dis qu'un tel travers vient peut-être du fait que les sciences sociales ne sont pas encore au niveau des sciences dites « dures » où l'on se préoccupe bien plus des résultats de la recherche que de savoir qui l'a faite. Un peu comme si on avait peu de découvertes majeures à enseigner, et qu'on se rabattait sur l'idôlatrie de grands auteurs pour combler le peu d'utilité immédiate de leurs œuvres... Ce qui fait dire aux scientifiques du type physiciens, que les sciences humaines et/ou sociales sont « molles ». Personnellement je préfère l'expression de « sciences souples » : elle correspond plus à l'idée que je m'en fais.
Car certains grands auteurs de sciences sociales ont quand même eu de véritables coups de génie, tel Émile Durkheim avec son ouvrage sur le suicide, qui a montré qu'un acte aussi personnel pouvait être étudié du point de vue de la société, puisque statistiques à l'appui, il a exposé que le taux de suicide varie à peine d'une année sur l'autre dans un même pays, mais bien plus selon les États. Cette thèse est toujours valable, et ce cher penseur a écrit d'autres ouvrages de qualité, mais de là à nous bassiner pendant nos deux premières années universitaires avec l'importance fondatrice de son œuvre... Pourquoi ne pas s'occuper de la société actuelle, qui a quand même évolué depuis le XIXème siècle et l'œuvre de Monsieur Durkheim ?
Que diraient les étudiants en médecine si on commençait leur enseignement par les grandes découvertes de la Renaissance dans leur discipline ? Peut-être qu'ils n'ont pas choisi d'étudier l'histoire de la médecine, mais d'abord et avant tout la médecine...
Les sociétés évoluent
Enfin passons, car j'ai quand même pu me constituer un minimum de savoir en trois années d'études de sciences sociales à l'université. Et certes, les véritables spécialistes trouveront sans doute plein de choses à redire sur mon petit bagage de connaissances, mais j'aimerais quand même partager ce savoir avec vous, car je trouve qu'il m'a permis d'y voir plus clair dans les sociétés humaines et leur histoire, et bien que mes connaissances soient issues d'un courant de pensée -l'évolutionnisme- ayant mauvaise réputation à l'époque chez mes enseignants, je continue à me dire que c'était le plus passionnant et le plus éclairant !
Car oui, l'étude des sociétés humaines peut être passionnante et éclairante ! Et c'est grâce à mes études d'ethnologie que j'ai le mieux compris comment regrouper et différencier les sociétés entre elles. En effet, l'ethnologie étudie les ethnies comme son nom l'indique, c'est à dire en gros les peuples exotiques pour les occidentaux, mais au fond elle étudie surtout les sociétés « à l'ancienne », qui bien loin d'être de simples curiosités pour savants-explorateurs, permettent de comprendre les sociétés humaines des origines, puis de retracer leur histoire jusqu'à nos jours.
C'est donc à un bref tableau de l'évolution des sociétés humaines que j'aimerais vous convier.
Les humains ont semble-t-il toujours vécu en groupe, et d'ailleurs nos cousins les grands singes, ont eux-mêmes une vie sociale élaborée, à l'image de tant d'autres sociétés animales, telles que les dauphins, les orques, les loups, les termites, les fourmis, etc. Et si on prend l'exemple des fourmis : pas besoin d'avoir un cerveau très volumineux pour vivre en société. C'est ainsi que le genre Homo, ou pour le dire autrement le genre humain, apparu il y a quelques millions d'années seulement, a démarré « sa vie en société » à l'aide d'un cerveau à peu près deux fois plus petit que le nôtre (environ 700 cm3 pour Homo Habilis, contre 1 400 cm3 pour nous).
L'espèce humaine (catégorie plus précise que le genre) à laquelle nous appartenons est Homo Sapiens, et est arrivée depuis moins de temps encore à l'échelle géologique : nous existons depuis environ 200 000 ans seulement.
Dans quel type de société évoluaient les humains il y a environ 200 000 ans ? A priori difficile de le savoir quand nos seuls indices sont des ossements, ou des pierres travaillées par eux... Et pourtant, on en a quand même une bonne idée grâce au travail des archéologues et des ethnologues !
Ces sociétés sont celles de chasseurs-cueilleurs. Et c'est le seul type de société qu'a connu l'humanité jusqu'à l'apparition il y a 10 000 ans environ de l'agriculture et de l'élevage. Autrement dit, pendant l'écrasante majorité de notre histoire, nous avons été des chasseurs-cueilleurs.
Et les sociétés de chasseurs-cueilleurs ont continué de traverser les âges jusqu'au XXème siècle.
Comment s'organisaient-elles dans les grandes lignes ? C'est ce que je vais tenter d'expliquer maintenant.