Dense
Évolution et sexualité (3/5)
La guerre des sexes
Certains humains considèrent la sexualité comme une chose indigne, qui nous ramène au rang de bêtes, et pensent qu’il faudrait ne viser que la procréation et éviter tout plaisir sexuel, alors que la majorité des animaux pratiquent le sexe d’abord pour se reproduire. Qui plus est, contrairement à nous, la majorité des animaux s’adonnent au sexe uniquement lors de courtes périodes de rut, qui ne durent que quelques jours, voire tout au plus quelques semaines dans l’année, tandis que nous autres humains, pouvons pratiquer la sexualité toute l’année, sans même la nécessité de se reproduire ! Alors pourquoi ne pas la considérer comme un magnifique cadeau de la nature ? Pourquoi ne pas la voir comme un acte beau et sacré plutôt que comme une pulsion honteuse à assouvir bestialement ?
L’érotisme peut devenir un art, et nous devrions nous satisfaire de ne pas être autant engagé dans une guerre des sexes comme tant d’autres animaux le sont. Car oui, l’évolution mène fatalement à une compétition entre les sexes au sein d’une même espèce, favorisant tantôt les femelles, tantôt les mâles, et les plus démunis dans cette course évolutive finissant très souvent par trouver une nouvelle astuce pour reprendre l’avantage puis la transmettre aux générations suivantes… Et même si nous autres humains, n’échappons pas à la règle, et qu’il existe une forme de compétition entre les hommes et les femmes, rien ne nous oblige à croire que le rapprochement et la compréhension nous sont impossible…
Réjouissons-nous donc déjà de pouvoir nous donner mutuellement du plaisir ! Et plus encore de rester en vie après l’amour, plutôt que l’un des deux partenaires soit sacrifié lors de la copulation, comme dans le cas célèbre des mantes religieuses où les femelles dévorent littéralement le mâle pendant le coït. Soyons aussi heureux de ne pas être comme les poulpes femelles et mâles qui meurent d’épuisement quelques mois après leur unique union sexuelle. Réjouissons-nous de ne pas être autant engagé dans une compétition évolutive que les canards colverts, dont les mâles en rut pratiquent souvent le viol, parfois même le viol collectif, et dont les femelles ont développés des vagins censés freiner les ardeurs du mâle, puisqu’ils bloquent l’entrée du pénis, sauf lorsque la femelle est consentante, et détend alors ses muscles... Soyons-plutôt satisfaits de ne pas être enfermés dans le corps de la femelle avec d’autres mâles comme chez la Bonnelie verte, un ver annélide de Méditerranée, où les mâles sont si petits qu’ils vivent à plusieurs dans le corps bien plus grand de la femelle, sans jamais pouvoir en sortir…
Réjouissons-nous également que le sexe de l’homme soit lisse et agréable pour la femme, plutôt que d’être un pénis à spicules façon « cactus » comme chez les chats ou de nombreux primates, ce qui doit faire très mal à la femelle lors de la pénétration ! Soyons contents que les mâles humains ne pratiquent pas « l’insémination traumatique » comme chez plusieurs invertébrés (par exemple, la punaise de lit) où la femelle voit son dos littéralement perforé par un pénis en forme de seringue, et finit par en décéder rapidement... Ou encore, pour en revenir à la reproduction, que les hommes ne tuent pas les petits des femmes issues d’une union avec d’autres rivaux masculins, comme c’est le cas chez les lions, les gorilles ou encore chez nos si proches cousins les chimpanzés…
Ces exemples plutôt spectaculaires nous montrent que la sexualité n’est pas toujours une partie de plaisir pour nombres d’espèces, et que chaque sexe d’une même espèce évolue au fil du temps en fonction de ses besoins propres, plutôt que dans une réelle harmonie de couple.
Ainsi se sont développés les pénis de type « cactus » évoqués plus haut, qui en perforant le vagin semblent permettre de faire passer directement dans le sang de la femelle des substances chimiques manipulatrices issues du sperme, et visant à empêcher la femelle d’avoir d’autres partenaires ! Ou encore les bouchons copulatoires chez de nombreuses araignées, qui sont censés permettre au mâle de s’assurer l’exclusivité de sa descendance, en bouchant l’orifice de la femelle après lui avoir déposé son sperme !
À l’opposé, les femelles ne sont pas en reste dans cette interminable conflit sexuel : nombre d’entre elles comme les reines de fourmilières, certaines tortues ou encore des chauve-souris stockent le sperme de plusieurs mâles dans de véritables spermathèques et semblent pouvoir sélectionner ceux qu’elles préfèrent pour féconder leurs ovules… À chacun sa technique pour sélectionner ou être sélectionné !
Mais la sexualité chez nous ne se résume pas qu’à une compétition, elle est également une réunion des deux opposés, au cours d’une scène d’amour qui peut se révéler d’une beauté inouïe.