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Le déclic qui ne venait pas

Depuis tant de temps que j’attends de me débloquer, et que cela n’arrive jamais, je constate malgré tout que je progresse lentement mais sûrement. Un peu comme si au lieu d’avoir obtenu ce déclic tant désiré, je comprenais enfin ce que personne n’a jamais été capable de m’expliquer : que dans mon cas, le déclic est un mythe : si je n’ai pas eu la chance de mettre un terme d’un coup unique à mon blocage, c’est parce qu’il me faut en sortir graduellement, à petit pas.

 

Ce qui signifie qu’il ne faut pas être pressé !

 

Je ne sais pas si vous vous sentez bloqué quelque part, et encore moins quelle est la nature de votre blocage si vous en avez un, alors je vais vous parler du mien : je sens depuis plus de quinze ans un grand besoin de pleurer toutes les larmes de mon corps, et pourtant rien ne sort jamais.

 

Non pas que je considère que ce soit formidable de chialer ! Mais il faut avouer que c’est parfois nécessaire. Ça peut aider à passer à autre chose : à faire un deuil, comme à se reconnecter à son ressenti profond. Dans mon cas, j’imagine que ce serait aussi le signal que je retrouve toute ma sensibilité. Car oui je suis du genre hyper-sensible, enfin c’est ce qu’il me semble ; étant donné que depuis toutes ces années, j’ai plutôt l’impression d’effectuer les taches comme une machine, parce qu’il faut les faire, et sans concrètement ressentir les vibrations qui vont avec, bonnes ou mauvaises ! Les sensations et les émotions qui coloraient ma vie ne sont plus présentes en moi. Cela m’énerve bien souvent !

J’aimerais tant retrouver mon émotivité naturelle. Redevenir moi-même ! Pourtant mon esprit reste bloqué.

 

Comment ce blocage émotionnel est-il arrivé ?

 

C’était il y a plus de quinze ans. J’avais rompu les relations avec mon père et j’étais parti vivre loin de mes proches. Ma mère était décédée depuis plusieurs années déjà. J’étais perdu et seul. Mon projet professionnel de l’époque était mal adapté à ma personnalité et me semblait difficile à atteindre. Des pensées sombres commençaient à m’assaillir.

Et alors que je désespérais de tout, je fis la rencontre d’une fille qui me plaisait et à qui je semblais plaire, sauf qu’elle ne voulait pas s’impliquer avec une personne mal dans sa peau et qu’elle se détourna rapidement de moi.

C’est ainsi, comme si tous mes problèmes ne suffisaient pas, que je ressentis une sensation extrêmement brutale de recul par rapport à moi-même, un peu comme si je sortais de ma propre personnalité, et que j’étais expulsé de tout mon ressenti. Je n’étais plus capable de m’émouvoir et je n’éprouvais quasiment plus rien à part quelques émotions négatives : de la colère et de l’angoisse notamment.

 

D’après mes lectures en psychopathologie, il me semble que cet état pourrait être qualifié de « dépersonnalisation ».

Quoi qu’il en soit, j’ai réussi à me faire aider, et bon an mal an, à me sortir de cette période noire.

Pourtant la sensation de ne rien ressentir, de n’avoir quasiment pas d’émotion a perduré longtemps après ! Même si avec le temps, des états d’esprit plus positifs ont pu revenir : j’ai d’abord retrouvé le désir de rire, puis une certaine joie de vivre, et ainsi de suite. En revanche, la tristesse au fond de moi n’a toujours pas été évacuée, comme si elle était trop grande pour que je la gère tout seul. Comme si elle était enfouie sous ma bonne humeur habituelle, masquant ma peine aux autres comme l’exige le protocole social, bien que même à l’abri des regards je sois incapable de laisser s’ouvrir les vannes…

 

Je ne sais pas combien de temps il me faudra encore attendre pour évacuer enfin tout ce chagrin ? Alors je patiente, encore et toujours depuis tout ce temps…

 

Encore une fois, si je souhaite éprouver de la tristesse, ce n’est pas par pur masochisme, mais parce que je sens que c’est une nécessité, et aussi parce que je considère que cela me permettra de vivre par la suite mes hauts et mes bas un peu plus intensément.

 

Alors je m’interroge sur le pourquoi et le comment de ce blocage. Peut-être que je manque de confiance dans mon ressenti ? Qu’il me faut reprendre de l’assurance à l’aide d’une personne bienveillante, d’une amoureuse ? Que je ne suis plus capable d’y parvenir par moi-même ?

 

Sauf que j’ai un mal fou à tisser de nouvelles relations de confiance depuis que mes amitiés se sont disloquées lors de ma période sombre. Il me faut tenir le cap sans trop dérailler d’impatience ni me lover dans le confort du solitaire, et réussir à reconstruire patiemment des liens solides et rassurants.

 

Alors je continue mes efforts : même si ils ne paient pas vite, je n’ai pas vraiment le choix… Et en effet, parfois, j’ai l’impression de commencer à retrouver ma sensibilité : je la sens remonter à la surface, plus de quinze ans après avoir été confisquée ! Elle n’a pas disparue, elle est toujours là ! Je suis à ça de la retrouver !

Mais il ne faut pas s’emballer ! Rien n’est encore débloqué ! Que c’est interminable !

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